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Paul Beurdouche

L’enfant des Vosges

Paul Beurdouche

Mon père voulait faire une carrière militaire, mais celle-ci entrait en conflit avec les relations d’affaires que mon grand-père entretenait en Afrique.

Il y avait toujours le maquis.

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Les Vosges

Je m’appelle Paul Beurdouche. Je suis né en 1941 à Neufchâteau dans les Vosges. Les Vosges sont les montagnes dans l'est de la France qui longe le Rhin. Elles sont recouvertes d'une forêt très dense dont la couleur apparaît bleue. De l'autre côté du Rhin se trouve l'Allemagne et la Forêt-Noire dont les arbres, même si ce sont les mêmes espèces que ceux de l'autre côté du fleuve, sont noir dû aux essences différentes dans la terre.

Neufchâteau était connue pour ses fabriques de mobilier en bois, ses entreprises de mécanique légère, ses fermes mixtes d'élevage bovin, chevalin et agricole. On y avait tout pour desservir les environs qui comptaient sept villages. On y trouvait le médecin, le notaire, le maréchal-ferrant, le bourrelier, forgeron, le vétérinaire et la station de hara. Cette région s'est trouvée en plein dans le passage des Allemands, donc, nous avons vu beaucoup de conflits. Par ailleurs, nos montagnes ont hébergé le maquis ou la résistance.

La famille et la guerre

La famille a été très engagée dans les conflits de la Seconde Guerre mondiale. J'ai été avec ma mère jusqu'à l'âge de 2 ou 3 ans, puis chez mon grand-père paternel.

Les ambitions de carrière militaire de mon père entraient en conflit direct avec les entreprises de son père. Il avait mobilisé lorsque la France a déclaré la guerre à l'Allemagne. Il était lieutenant et artilleur DCA (Défense contre aéronefs) sous le commandement du général Jean de Lattre de Tassigny. Pour obtenir un deuxième galon, il lui aurait fallu se rendre au front d'Afrique au Maroc. Or mon grand-père paternel avait organisé les programmes de sélection et de haras chevalins pour le Sultan du Maroc. Il n'était donc pas question d'y aller avec des mitrailleuses. Alors, mon père a pris congé de l'armée.

Le général de Tassigny

Jean de Lattre de Tassigny, au début de la Seconde Guerre mondiale, est héros de la Grande Guerre, et le plus jeune général de l'armée française. On l'appelait le roi Jean pour sa droiture et son engagement total envers ses hommes et son pays. Il a tenu tête aux Allemands sans relâche, jusqu'à la signature de l'Armistice de 1940. Il a été arrêté et condamné à 10 ans de prison pour avoir refusé de se rendre aux Allemands par la cour de Pétain. Il a réussi à s'évader et s'est joint au général Charles de Gaulle pour former la première armée française en 1943. En 1945, il est le seul commandant à avoir dirigé des divisions françaises et américaines dans la poussée vers le Danube et le Rhin. Ils ne se sont pas battus longtemps, mais très fort pour repousser les Allemands jusqu’en Autriche. Les Allemands sur leur propre territoire n'abandonnaient pas la bataille. Cela a été très dur. Embuscade sur embuscade, nous avons repris notre territoire village par village.

Une guerre civile évitée de justesse

Nous connaissons la fameuse exclamation du Général de Gaulle : « Vive le Québec libre! » Elle a propulsé la politique canadienne sur une tangente que nous connaissons bien. Aussi déplacée qu'elle ait pu paraître, son legs est tout autre. De Gaulle a réussi à sortir la France d'une période très fragile où la guerre civile aurait pu éclater. Il y a eu de nombreux règlements de compte, d'ailleurs, on a vu la gendarmerie française se faire mettre sa place pour avoir agi beaucoup trop en faveur des Allemands sous l'occupation. Ils ont payé cher leur comportement anti-français. Le général a réussi à unifier le pays et les forces armées à temps pour semer le doute chez Staline, quant à l'idée de s'implanter en France comme les Russes l'ont fait en Allemagne. Ils se trouvaient à peine à 250 kilomètres des frontières. La transition s'est faite sans une goutte de sang.

Le maquis

Le maquis ou la résistance était nourri de jeunes gens qui se joignaient aux Chantiers de la jeunesse, organisme paramilitaire qui rassemblait les jeunes pour les aider à éviter les travaux forcés ou les camps d'internement en Allemagne. Mon père s'est joint au groupe du nord des Vercors après avoir fait un apprentissage chez un épicier de la région. Il a aussi travaillé dans d'autres métiers à ce moment-là pour gagner un peu d'argent, mais il est rentré lorsqu'un des réseaux a été trahis et ses membres déportés ou exécutés.

Enfin de retour à Neufchâteau, mon père s'est acheté une épicerie à environ 30 kilomètres de chez mon grand-père, et c'est là que j'ai passé une bonne partie de mon enfance après la guerre. Mais mes jeunes années, j'étais chez Grand-père parce qu'on le rappelait souvent pour de courtes missions avec son ancien régiment des 3es Cuirassiers. Il maintenait son grade de cette façon, mais cela ne l'arrangeait pas à la maison. L'épicerie perdait sa clientèle à sa concurrence.

Grand-père avait perdu un œil au cours de la Grande Guerre dans la bataille des Dardanelles. Or, les Allemands vénéraient leurs anciens combattants et grand-père attirait aussi leur respect. Il a su s'en servir à son avantage. Il travaillait à la Poste, une entreprise qui sert de banque, en plus de plusieurs autres services publics. Il apportait le courrier de village en village et il était donc facile pour lui de cacher des paquets clandestins au fond de sa boîte à roulettes et d'en faire la livraison relativement sans risque. Si mon grand-père préparait lui-même ses stratagèmes, il savait comment s'y prendre. Par contre, mon père mettait parfois des balles dans la boîte à roulettes sans le lui dire. Grand-père se doutait que mon père avait joint un réseau du maquis, mais préférait ne pas savoir pour qu'il n'ait pas à mentir s'il se faisait prendre.

Mon père m'a raconté que lorsque la nouvelle s'est répandue que les Allemands avaient envahi le nord de la France, Grand-père est parti avec tout l'argent de la Poste dans sa boîte à roulettes. Il a marché plus de 70 kilomètres pour trouver un bon endroit où cacher l'argent. Un mois après le départ des Allemands, il est allé la récupérer. Papa m'a dit que grand-père ne pouvait jamais payer son verre. On le lui payait pour avoir sauvé les économies de tous les gens des environs.

Je suis venu au Canada après quelques années en Afrique. Mon grand-père était décédé et j’avais besoin d’un peu de distance. Le gouvernement canadien acceptait des experts dans le domaine de la restauration et des métiers de bouche. Je suis chef et on m’a accueilli presque tout de suite. Je suis venu travailler au Yukon, mais je n’ai pas voulu révéler mes compétences en cuisine tout de suite, car je voulais d’abord travailler au grand air. Le salaire était meilleur! J'ai longtemps travaillé dans le nord dans les camps miniers et forestiers avant de venir m'établir ici.

Puis ici à Whitehorse, j’ai géré un restaurant dans le Downtown pendant plusieurs années avant de prendre ma retraite. J’adore ce pays!

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